« Le conte populaire est le genre par excellence de la littérature orale russe, il pénètre toutes les couches de la société, mais il est particulièrement vivant dans le milieu paysan d’où il est issu, et chez les enfants.
Au Moyen Age russe, les contes étaient tenus par les milieux cléricaux pour diaboliques et donc rejetés de tout texte écrit (le texte écrit est à l’origine, ne l’oublions pas, un texte religieux et, donc, tendancieux). Ils ont fait un retour en force dans l’écriture au XVIII è et surtout au XIX è siècle, et ont joué un rôle important dans la prise de conscience de l’identité nationale. Le conte populaire est bâti sur un manichéisme simple, opposant le bien et le mal. La fin est presque toujours optimiste, le héros / l’héroïne obtenant généralement ce qu’il désire. Le sujet est, nous l’avons dit, traditionnel, se répétant de génération en génération, mais aussi de peuple à peuple, ce qui pose de façon aiguë la question de son origine et de sa migration. L’action a priorité sur la description et les évènements se déroulent souvent de façon précipitée. Le recours au merveilleux dans les contes merveilleux, au fantastique dans les autres contes, est de règle. Le conte se distingue des autres formes en prose de la littérature orale (légendes et récits) par sa forme (composition, structure) rigoureuse (répétitions obligatoires, construction tripartite, nombre de personnages et d’épisodes limité ; développement et passage d’un sujet à un autre par contamination) ; par la priorité accordée au fantastique, par l’abondance des formules stéréotypées qui prédéterminent le style, enfin par les sujets, traditionnels et en nombre limité.
Les proverbes russes semblent mettre en avant l’idée que le conte n’est pas la réalité mais une fiction, une construction bien faite de l’esprit (pesnja – byl’, skazka – skladka, c’est-à-dire « la chanson, c’est la réalité, le conte, c’est une fiction bien menée »)
Si le conte français, comme le dit Paul Delarue, insiste sur le côté humain et rationnel (Le Conte populaire français, I, Introduction), le conte russe, lui, a pour but de plaire, d’où son aspect esthétique très apparent, d’où son insistance sur le merveilleux ou sur le simple besoin d’étonner (et, dans ce sens, il se rapproche plus de la tradition celtique que de la tradition française). Il n’est pas dépourvu d’une certaine volonté moralisatrice, ce qui en fait un genre particulièrement adapté aux enfants, mais dans la Russie du XIX è siècle, le public était tout autant le public adulte des longues veillées d’hiver et les bons conteurs ou conteuses étaient connus et appréciés de tout le village.