La place de la littérature orale russe
« On a donc en Russie et jusqu’à nos jours, une situation très différente de ce qu’elle est ou a été en France : en France, le haut prestige, national et international, de la littérature proprement dite, a empêché la littérature orale non seulement de percer, mais simplement d’être reconnue. Les études folkloriques, qui n’ont pas été soutenues par la recherche d’une identité nationale et qui n’ont pas reçu l’aval des plus grands écrivains, ont mis des années à se relever de ce double handicap…
En Russie, les plus grands esprits, autorités intellectuelles, de droite comme de gauche, par une réaction compréhensible contre l’impérialisme de la culture française, prônaient le retour au peuple, garant d’authenticité et gardien de la langue et des traditions nationales. Si le nationalisme a joué en France contre la littérature orale qui a pu au mieux acquérir le titre de régionale, il a joué en Russie pour la littérature orale. On peut dire en ce sens que la situation en Russie a été beaucoup plus proche de ce qu’elle a été en Allemagne que de ce qu’elle a été en France ; Le nationalisme, dans le meilleur et dans le pire des sens, s’est nourri dans l’un et dans l’autre pays, de la tradition orale. Les folkloristes russes, depuis Afanassiev jusqu’à Propp, pétris de science folklorique allemande, ont toujours senti cette communauté d’approche avec leur voisin germanique. »