Grand classique du conte, sur le plan à la fois russe et international, le recueil d’Afanassiev mérite une réédition conséquente en langue française.
Le succès fait aux traductions françaises des Contes populaires russes d’Afanassiev [1], désormais épuisées, justifie que l’on procède à une nouvelle édition élargie. La présente publication comporte une cinquantaine de contes inédits. Les notes intègrent quelques variantes inédites et s’appuient sur les commentaires que Barag et Novikov ont introduits dans la dernière édition complète russe, celle de 1984 [2].
Notre introduction reprend ici également les dernières données connues sur la vie et l’oeuvre d’Afanassiev ainsi que sur la portée de son recueil. La vie et l’oeuvre d’Afanassiev s’effacent généralement derrière son recueil. L’une et l’autre valent cependant qu’on s’y attache.
En effet, en Russie, Afanassiev n’était pas un inconnu. À la fois historien de la civilisation et de la littérature russes, juriste, ethnographe, folkloriste, bibliographe, critique, journaliste, archiviste, étymologiste, connaissant de façon phénoménale presque toutes les langues indo-européennes, Alexandre Nikolaiévitch Afanassiev fut, dans le domaine des sciences humaines, l’un des savants les plus célèbres de son époque.
Afanassiev a décrit son enfance dans des Souvenirs publiés en 1872, après sa mort. Il est né, en 1826, dans une petite ville de la province de Voronège. Il perdit sa mère de bonne heure. Son père était avoué. Afanassiev souligne l’influence qu’exerça sur lui ce père, peu fortuné, mais qui possédait, comme le grand-père du reste, une bonne bibliothèque. Pourtant attentionné, son père n’en met pas moins le jeune Alexandre dans une institution religieuse dirigée par deux popes, les « pères Ivan », dont Afanassiev a laissé un portrait caricatural, et qui sont vraisemblablement à l’origine de son anticléricalisme. En 1837, Afanassiev fut mis au collège de Voronège. Collège et lycée ne lui laissent que des souvenirs mitigés quant à la compétence et à l’humanité des enseignants, lesquels avaient, dit-il, trop souvent recours aux châtiments corporels. Le jeune Alexandre, lui, aimait avant tout la lecture et y consacrait le plus clair de ses loisirs, mettant à profit la bibliothèque familiale. Il fallait l’en arracher. Il parle aussi du plaisir qu’il éprouvait à entendre de vieilles nourrices lui dire des contes.
En 1844, Afanassiev entre à la faculté de droit de Moscou, vraisemblablement sous l’influence de son père. Très vite, il s’attache à la vie universitaire. Ses années d’études sont caractérisées par son goût pour un travail acharné, en dépit de difficultés financières permanentes, car son père l’aidait peu. Il commence dès lors à réunir une bibliothèque qui deviendra colossale.
Sur le plan des idées, Afanassiev appartient à la tendance progressiste du moment, incarnée par l’écrivain Herzen et le journaliste Biélinski. En 1847, il publie un premier article, sur l’économie de Pierre le Grand, dans la revue Le Contemporain. Pour son examen de fin d’études, il fait une conférence portant sur le droit pénal aux XVIème et XVIIème siècles. Dite devant l’inspecteur général de l’époque (le revizor Ouvarov), elle ne lui donne pas le droit de devenir professeur de faculté (probablement pour des raisons politiques).
Afanassiev commence alors à enseigner dans des établissements privés du secondaire. Il y réussit peu, n’ayant pas la fibre pédagogique : d’une gentillesse angélique avec les potaches, il se fait chahuter.
En 1849, la chance lui sourit enfin : il est embauché aux Archives centrales du ministère des Affaires étrangères de Moscou. Il en deviendra même un des principaux conservateurs et le restera jusqu’en 1862. Cette période est pour lui la plus féconde : il publiera de nombreuses archives. Il édite également ses propres articles qui paraissent dans les revues les plus en vogue de l’époque (dont Le Contemporain et Les Notes de la patrie). Ces articles touchent à l’histoire russe, au journalisme satirique du XVIIIème siècle. Il écrit également de nombreux comptes rendu d’ouvrages.
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[1] Les Contes populaires russes réunis par Afanasiev (Maisonneuve et Larose. 1988, 1990, 1992 : réimpression en un volume. 2000 : traduction : Lise Gruel-Apert). Nouveaux contes populaires russes d’Afanassiev (Maisonneuve et Larose, 2003 : traduction : Lise Gruel-Apert). Ces traductions avaient pour point de départ l’édition russe de 1958 (Les Contes populaires russes d’Afanassiev, Moscou. 1958, sous la rédaction de V. Propp - Russkie narodnye skazki Afanas’eva).
[2] Les Contes populaires russes d’Afanassiev, Moscou. 1984, édition russe dirigée par L.Barag et N.Novikov.